Pensons-nous avec nos cerveaux?

Karlsson Mikael
Langue de rédaction : Anglais
DOI: 10.3406/intel.2010.1179
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Dans cet article, dont la première version fut rédigée en 1995 pour une présentation à l’attention de psychologues, l’auteur évalue ce qu’il est possible d’inférer d’observations rendues possibles par la neuroimagerie lorsqu’il s’agit de répondre aux questions « Pensons-nous avec nos cerveaux ? », « L’activité de pensée prend-elle place dans le cerveau ? » et « La pensée est-elle quelque chose de plus qu’une activité cérébrale ? ». Par « pensée », l’auteur ne signifie pas seulement ce que l’on entend traditionnellement, à savoir la cogitation sur un sujet ou un autre, mais aussi – et même en particulier – la perception, le rappel, la résolution de problèmes, et le fait d’avoir des attitudes émotionnelles : comme l’auteur les appelle, des « activités psychiques ». L’auteur réfléchit d’abord sur ce que peut signifier « penser avec le cerveau ». Ce qu’on veut dire par là est peut-être que nous utilisons nos cerveaux lorsque nous pensons. L’auteur ne remet pas en question ce fait évident, mais signale que si nous utilisons nos cerveaux lorsque nous mangeons ou courons, nous ne disons pas pour autant que nous mangeons ou courons avec nos cerveaux. L’auteur suggère que ce qui est signifié de manière plus appropriée par « penser avec le cerveau » est que le cerveau est l’organe de la pensée, ou de l’activité psychique ; il comprend alors l’organe d’une activité comme la cause agentive proximale de cette activité : quand l’organe accomplit son travail, l’activité en question est son résultat immédiat. L’auteur soutient alors que, si l’on suit cette analyse, on ne peut pas dire que le cerveau soit l’organe d’activités psychiques « cognitivement robustes », comme percevoir ou se rappeler. L’argument principal de l’auteur pour cela est que si de telles activités sont considérées comme cognitivement robustes, c’est parce qu’on doit les comprendre comme consistant en des interactions causales entre le sujet et des caractéristiques de son environnement. Le cerveau peut être un participant actif dans une telle interaction, mais aucune activité du cerveau en tant que tel ne peut constituer une telle interaction. Ainsi, ce qui prend place dans le cerveau et que nous pouvons observer au moyen d’une cérébroscopie n’est pas une activité psychique robuste. La possibilité que le cerveau soit l’organe d’activités psychiques moins robustes, comme avoir des expériences subjectives d’une espèce que l’auteur appelle « apparitions », demeure néanmoins ouverte. En réponse à la question de savoir si l’activité de pensée prend place dans le cerveau, l’auteur soutient d’abord que comme les activités psychiques robustes sont des interactions causales entre l’environnement et le sujet – le cerveau de ce dernier inclus, sans aucun doute -, il n’est pas possible que ces activités prennent place dans le cerveau. Mais l’auteur va plus loin, en tentant de montrer les difficultés qu’il y a à soutenir que ces activités possèdent tout simplement une localisation discrète. En guise de support, et peut-être d’explication, de cette idée, l’auteur note que les transactions sont évidemment analysables comme des processus, au sens de Fred Dretske : la causation d’un événement par un autre. Nous pouvons être convaincus que les événements ont des localisations discrètes dans le temps et dans l’espace, mais cela n’implique pas que les processus en aient également une, et l’auteur soutient qu’effectivement, ils n’en ont pas (bien que nous puissions leur attribuer une localisation « nébuleuse »), et qu’il n’y a pas de raison de supposer qu’ils devraient en avoir une. À la différence des événements, les processus ne sont pas directement observables. Il s’agit plutôt de relations inférées à partir de, et attribuées à, des événements. Ils ne sont donc pas révélés par une cérébroscopie, et toute tentative de les localiser s’avère, de plus, fourvoyée. On peut poser une variété de questions intéressantes à propos de la localisation concernant les processus, mais la question de savoir où ces processus se situent n’en fait pas partie. À partir de ces conclusions, l’auteur va plus loin, et soutient que la position selon laquelle les processus psychiques robustes ne sont rien de plus que l’activité du cerveau est sans espoir. Une fois que la nature de ces processus est bien comprise, leur non-localité, leur non-observabilité et leur non-réductibilité à l’activité du cerveau ne génère aucun mystère et ne présente aucun défi pour le physicalisme. L’auteur concède que les activités « apparitionnelles » peuvent être plus vues comme des événements que comme des processus, et peuvent donc être observables et localisables – peut-être dans le cerveau. Mais il croit que le besoin obsessionnel de les localiser est basé sur l’idée erronée que toute chose non localisable est un anathème au physicalisme. Cette localisation, pense-t-il, n’est pas possible pour les activités psychiques plus robustes, mais cela ne va pas à l’encontre du projet de leur faire une place au sein du cadre descriptif et explicatif que nous construisons dans nos efforts pour comprendre le monde.



Pour citer cet article :

Karlsson Mikael (2010/1-2). Pensons-nous avec nos cerveaux? In Steiner Pierre & Stewart John (Eds), Philosophie, Technologie et Cognition, Intellectica, 53-54, (pp.67-94), DOI: 10.3406/intel.2010.1179.