intellectica 1994/1, n° 18: Apprentissage et adaptation [retour table de matières]
John STEWART
Un système cognitif sans neurones : les capacités d’adaptation, d’apprentissage et de mémoire du système immunitaire, Pages 15-43 [Texte en pdf]
Resumé: Cet article propose une définition minimale selon laquelle la cognition est la capacité d'un système, en interaction avec son milieu, de coupler ses perceptions et ses actions de telle sorte que son comportement émergent satisfait une contrainte proscriptive (typiquement, de maintenir sa propre viabilité). Le système immunitaire des animaux vertébrés réagit à des antigènes étrangers en produisant une réponse immunitaire qui déclenche la destruction de ces antigènes ; le système réagit aux antigènes du soi en les incorporant dans la dynamique autorégulatrice d'un réseau autonome. L'étude par simulation d'un modèle du système immunitaire montre que ce comportement satisfait aux exigences de la définition proposée, et par conséquent que le système immunitaire peut être considéré comme une entité cognitive ayant des capacités d'adaptation, d'apprentissage et de mémoire. Plus généralement, cette perspective implique que les composants d'un système (par exemple, les molécules et les cellules d'un organisme multicellulaire) ne sont pas en eux-mêmes cognitifs ; que la pleine articulation des neurosciences dans les sciences cognitives requiert une étude du comportement émergent au niveau des interactions significatives entre un organisme et son milieu ; et que les objets de la cognition, avec ou sans neurones, sont amenés à exister par les perceptions-actions couplées du système cognitif lui-même. Le contraste entre cette perspective et la théorie computationnelle de l'esprit est souligné.
Cognition without Neurones : Adaptation, Learning and Memory in the Immune System
Abstract: This paper proposes a definition of cognition as a system capable of both action and perception, in which the coupling of action and perception is such that the emergent behaviour of the system in its environment satisfies a meaningful constraint. The immune system of vertebrate animals reacts to nonself antigens by producing a specific immune response which triggers destruction of the antigen; it reacts to self antigens by incorporating them into the regulatory dynamics of a self-organizing network. It is argued that this behaviour meets the requirements of the definition, and hence that the immune system is a cognitive entity capable of adaptation, learning and memory. Consequences of this perspective are that the molecules and cells of a multicellular organism are not, as such, "cognitive"; that the full articulation of neurophysiology into cognitive science requires a study of emergent behaviour at the level of meaningful interactions between a system and its environment; and that the objects of cognition, with or without neurones, are brought into existence by the coupled perceptions and actions of the cognitive system itself.
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