Enaction, externalisme et suppléance perceptive, Pages 27-52
Resumé: Pour défendre les thèses énactivistes et externalistes je propose une série d'expériences de perception prothétisée (suppléance perceptive) minimalistes. Ces situations expérimentales très simples permettent de dépasser la critique du représentationnalisme pour définir précisément, et faire fonctionner concrètement, le schème explicatif de la perception comme énaction. Localisation et reconnaissance de forme s'inscrivent dans l'espace des déplacements du point de vue relativement à l'objet perçu. L'espace de perception est l'espace d'action lui-même, et non pas un espace interne de représentation. C'est la position externaliste radicale pour laquelle l'activité cognitive et les contenus de l'expérience vécue sont à comprendre dans la dynamique sensorimotrice du couplage entre l'organisme et son environnement, et non pas comme computation de représentations internes. Cet externalisme semble être un bon cadre épistémologique et théorique pour rendre compte de l'efficacité de la cognition située. Les dispositifs et environnements techniques transforment nos possibilités d'action et donc notre expérience vécue en offrant de nouvelles capacités de perception, d'imagination, de mémorisation ou de raisonnement. De même un cadre externaliste permet un dialogue fructueux entre phénoménologie et psychophysiologie. Plutôt que de présupposer une séparation entre expérience vécue interne et objectivité externe et donc seulement chercher des corrélats neuronaux des états de conscience, pour l'externalisme cette séparation se constitue dans le cours même de l'activité concrète et donc l'espace de l'expérience vécue est co-extensif à l'espace d'action et de perception.
Enaction, Externalism and Perceptual Supplementation
Abstract: In order to defend the twin themes of enaction and externalism, this article proposes a series of experiments based on minimalist prosthetic perception (perceptual supplementation). These very simple experimental situations make it possible to go beyond the negative critique of representationalism, and to provide both a precise definition, and a concrete functioning example, of the explanatory schema of perception as enaction. The localisation of objects and the recognition of shapes take place in the space of displacements of the point of view relative to the object that is perceived. The space of perception is the space of the action itself, and not the space of an internal representation. This is the position of radical externalism, according to which cognitive activity and the content of lived experience are to be understood in terms of the sensorimotor dynamics of coupling between an organism and its environment, and not as a process of computation on internal mental representations. This externalism would seem to be an appropriate epistemological and theoretical framework in order to account for the effectiveness of situated cognition. Technical devices and environments transform our possibilities of action, and thereby transform our lived experience, offering new capacities for perception, imagination, memory and reasoning. Similarly, an externalist framework allows a fruitful dialogue between phenomenology and psycho-physiology. Rather than presupposing a separation between internal lived experience and external objectivity, which leads only to the search for neuronal correlated of states of consciousness, for externalism this separation is actually constituted during the very process of concrete activity. As a result, the space of lived experience is co-extensive with the space of action and perception.
|