Déterminisme variable dans ses applications sociales : traduire la science dans la société
DOI: 10.3406/intel.2021.2001
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Le débat sur la croyance en la possession d'un « libre arbitre » à la lumière de la science moderne, en particulier des neurosciences, a souvent été présenté comme un choix entre deux extrêmes. D'une part, il y aurait une conception déterministe stricte excluant le libre arbitre ; d'autre part, une conception de la liberté de choix excluant le déterminisme. Aucune de ces deux positions, selon moi, n'est scientifiquement réaliste. L'introduction dans les neurosciences du « déterminisme variable » suggère que nous pouvons être simultanément déterminés et « libres ». Les questions importantes qui se posent ici concernent davantage la manière de comprendre cet équilibre et de structurer nos sociétés en conséquence.
Dans cet article, je me concentre sur les questions doxastiques et normatives concernant le rôle possible du libre arbitre dans nos systèmes de croyance et nos structures sociales, et sur le rôle des neurosciences dans la remise en question, ou le soutien, des différentes positions. Conformément à un cadre théorique précédemment développé, je soutiens que le théorème de la variabilité, s'il est correct, peut offrir un soutien empirique à la prise en compte du libre arbitre et de la causalité, permettant ainsi une croyance rationnelle dans le libre arbitre compris comme une capacité non nulle d'influencer les processus causaux des états et des comportements.
Tant qu'il existe une contingence dans les relations causales (c'est-à-dire un déterminisme incluant la variabilité), il peut y avoir une dimension fondamentale qui serait l’'influence volontaire dans nos choix. Cette mesure de variabilité et de contrôle est suffisante pour sauvegarder la possibilité du "libre arbitre" sous ces aspects particuliers, laissant ouverte l'étendue de la liberté que nous possédons réellement.
De facto, notre capacité à faire des choix est fortement influencée par une variété de mécanismes causaux et d'événements préexistants sur lesquels nous n'avons en réalité aucune influence ou une influence très limitée : notre environnements naturel, social et culturel qui nous façonne.
Ce déterminisme variable est également important à comprendre en termes d'applications sociales, et l'objectif de cet article est de traduire l’importance de cet aspect de la science et de la philosophie dans la société. Dans cette entreprise, nous devons être conscients à la fois de la liberté que nous confère le déterminisme variable révélé par les neurosciences et la philosophie, et des limites de cette liberté.
La compréhension de cet équilibre et de ses implications dans des contextes plus larges devrait s'intégrer plus profondément, non seulement dans nos visions générales du monde, mais aussi dans nos structures sociales qui façonnent nos systèmes juridiques et éducatifs, nos soins aux enfants et notre éducation morale favorisant la tolérance et le respect des droits humains.
Pour citer cet article :
Evers Kathinka (2021/2). Déterminisme variable dans ses applications sociales : traduire la science dans la société. In Monier Cyril & Khamassi Mehdi (Eds), Liberté et cognition, Intellectica, 75, (pp.73-89), DOI: 10.3406/intel.2021.2001.