La voix de l’intérieur
DOI: 10.3406/intel.2012.1101
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On a voulu imaginer dans cet article l’institution de la vie psychique à partir des dynamiques sémiotiques et expressives qui traversent et organisent la vie humaine. Il a fallu pour cela définir un objet d’enquête anthropologique inédit qui recouvre un ensemble de phénomènes par ailleurs intuitivement familiers à tous : la voix intérieure. Cette voix qui nous parle, nous apostrophe, accable ou réconforte, une voix qui résonne en nous et mobilise notre appareil (sub)vocal et dont nous en sommes le principal destinataire. Une voix qui assume toute ses dimensions symboliques usuelles (agent, volonté, désir, identité) tout en y ajoutant celle de porte parole intime. Au-delà du paradoxe de proférer à son intention ce que l’on est censé déjà savoir se profile un ensemble de phénomènes qui semblent déterminants pour notre devenir humain. La voix intérieure c’est par exemple la voix du sujet en tant que personne et en tant qu’instance morale : puisque je me parle je suis dans un rapport dialogique avec moi-même, je suis deux-en-un et je dois vivre sous la pression de l’autre voix. C’est aussi ce que nous avons appelé atelier d’Alice, à savoir médium, support mnémotechnique, champ d’intégration et d’expérimentation. Il s’agit de la faculté de répéter, réviser, reprendre intérieurement des éléments normatifs, prescriptifs, symboliques de notre répertoire culturel, pour les consolider, transformer (éventuellement), en expérimenter des variantes ou créer des instances inédites – de la fiction. Il y a une dualité fonctionnelle dans la parole intérieure qui fait d’elle à la fois l’agent du collectif (par l’emploi de la langue commune et de son répertoire culturel) et le vecteur de l’individuel (autonomie du regard, voix intime et porte-parole du moi). Dans l’ensemble, le périmètre de la voix intérieure dépasse de loin ce qui aurait pu relever d’une simple modalité d’usage de la parole : cette voix est devenue une véritable institution de la vie humaine, et à ce titre, un vecteur et un régulateur de la vie psychique et sociale.
Pour citer cet article :
Rosenthal Victor (2012/2). La voix de l’intérieur. In Morgagni Simone (Eds), Sémiotique et pensée, Intellectica, 58, (pp.53-90), DOI: 10.3406/intel.2012.1101.