intellectica 1995/1, n° 20: Oralité : invariants énonciatifs et diversité des langues [retour table de matières]
Milena SRPOVÁ
La traduction, confrontation de deux expériences cognitives, Pages 157-170 [Texte en pdf]
Resumé: Dans la traduction, deux domaines sont en jeu : le domaine des systèmes linguistiques et le domaine des connaissances extralinguistiques. Les auteurs de stylistiques comparées se sont attachés à confronter les traductions et les originaux et à recenser les différences linguistiques (grammaticales, lexicales, phraséologiques) que l'on peut observer entre le texte de départ et le texte d'arrivée. Le problème
posé par les différences extralinguistiques a été signalé, mais il n'a pas été véritablement traité. Dans sa théorie interprétative de la traduction, D. Seleskovitch insiste sur l'insuffisance du modèle binaire (langue de départ - langue d'arrivée) et sur le rôle essentiel du «complément cognitif» dans la traduction. La thèse défendue dans le présent article est la suivante : la traduction est non seulement la confrontation de deux langues face à un savoir universellement partagé, mais elle est aussi la confrontation de deux savoirs collectifs non-identiques : le savoir propre à la culture de départ (CD) et le savoir propre à la culture d'arrivée (CA). Le passage entre CD et CA est un passage obligé dans la traduction. Le traitement des différences entre CD et CA est aussi à l'origine de la typologie des traductions : la traduction «littérale», qui permet de conserver les spécificités de la CD, et la traduction adaptative, qui efface les spécificités de la CD au profit des spécificités de la CA. — Dans une note annexe, il est montré que les romans et le travail de l'écriture de Milan Kundera sont en partie aussi une confrontation de deux expériences cognitives, tchèque et française.
Translation, the confrontation of two cognitive experiences
Abstract: Two factors operate in translation : linguistic systems and extralinguistic knowledge. Researchers in compared stylistics have compared translations to originals and listed linguistic differences (grammar, vocabulary, phraseology) between the original and translation. The issue of extralinguistic differences has been acknowledged but remained untreated. Seleskovitch developed an interpretive theory of translation suggesting that the binary model (source language / target language) falls short of a comprehensive account of translation because it neglects the essential part of the "cognitive complement".
The theory set forward in this paper posits that translation is not only the confrontation of two languages against universally shared knowledge, it is also the confrontation of two non identical collective knowledges of the word : the knowledge peculiar to the source culture (SC) and the knowledge peculiar to the target culture (TC). The transition from SC to TC is a necessary stage in translation. The typology of translation emerges from the acknowledgment of differences between SC and TC : a verbatim translation maintains the specificity of SC whereas an interpretative translation blurs this specificity and underscores the specificity of TC. In a subsidiary remark, it is shown that the novels by Milan Kundera as well as his writing are in part also a confrontation of two cognitive experiences, the Czech and the French ones.
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