Fais comme tu veux : la libération par la délibération

Le débat sur le libre arbitre, qui anime les neurosciences cognitives depuis les premières expériences de chronométrie cérébrale et mentale, s’est focalisé sur la question de savoir si le sentiment conscient d’exercer sa volonté pouvait être causalement responsable de mouvements élémentaires comme bouger son index. Si la question métaphysique n’est pas tranchée, il y a en revanche consensus autour de la dissociation entre les processus cérébraux qui causent le mouvement et ceux qui génèrent l’impression de libre volonté. Cet article passe en revue les arguments expérimentaux pour un divorce analogue, concernant les décisions plus élaborées qui font intervenir des préférences subjectives, entre les causes réelles de nos choix et les raisons avancées pour les justifier. En effet, l’étude des biais montre que nos choix sont souvent rationnalisés a posteriori, pour les conformer à une norme de cohérence que leurs causes réelles ne respectent pas forcément. On découvre ainsi que l’architecture fonctionnelle du cerveau, façonné par la sélection naturelle, impose des contraintes cachées sur les préférences, qui peuvent varier d’un individu à l’autre ou chez un même individu d’un moment à l’autre. On observe aussi que les choix particuliers ne sont pas toujours soumis aux préférences générales, ce qu’on formalise comme des variations aléatoires quand on modélise la prise de décision, mais qui reflète vraisemblablement la connaissance incomplète du système cérébral. Cependant, la compréhension progressive des déterminismes cérébraux qui pèsent sur nos décisions permet de les intégrer à la délibération, et par là de nous affranchir des automatismes compulsifs, et donc de gagner des degrés de liberté.