Toucher sans toucher ou les contacts fictifs du « corps symbolique de la cognition »
DOI: 10.3406/intel.2010.1188
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Il existe une physiologie imaginaire de la pensée et de l'interaction sociale inscrite au cœur de la langue. Celle-ci opère par perceptions, contacts, saisies et manipulations d’êtres et d’objets (d’expérience ou de conception), situés dans des espaces fictifs de conceptualisation. La langue permet ainsi de "toucher" et "d'entrer en contact" (physique, mental, social) avec un grand nombre de personnes et de choses (matérielles ou immatérielles). Une étude sur corpus des emplois physiques et socio-cognitifs de l’anglais touch et de ses dérivés nous permet de montrer comment une scène sensori-motrice primitive a pu être recrutée par la cognition langagière pour figurer d'autres types de scènes, dans les domaines pragmatiques et épistémiques. Nous soulignons l'importance de l'imaginaire langagier qui joue ici un rôle capital en façonnant et en animant un corps invisible que nous proposons d'appeler corps symbolique de la cognition (CSC). Ce corps suit les instructions scénographiques fixées par la langue et adopte un répertoire de postures de contact privilégiant certains membres (les mains, les doigts, les yeux, les pieds). Le toucher constitue une forme particulière d'activité du CSC. Après avoir mis en évidence la richesse du toucher lexical, nous évoquons brièvement certaines formes de toucher grammatical. Nous montrons comment un simple contact syntaxique de type me do it suffit à suggérer l'idée ou la réalité de l'effectuation. Nous terminons en fournissant un aperçu de la manière dont le contact entre humains et choses peut être mis au service de la conceptualisation métalinguistique.
Pour citer cet article :
Lapaire Jean-Rémi (2010/1-2). Toucher sans toucher ou les contacts fictifs du « corps symbolique de la cognition ». In Steiner Pierre & Stewart John (Eds), Philosophie, Technologie et Cognition, Intellectica, 53-54, (pp.331-358), DOI: 10.3406/intel.2010.1188.