Faits versus interprétations dans le renseignement : une taxonomie descriptive pour l’évaluation de l’information

Dans le domaine du renseignement, les officiers en charge d’évaluer l’information utilisent une échelle alphanumérique traditionnellement appelée “Admiralty System”, pour noter la crédibilité du contenu de l’information, d’une part, et la fiabilité de sa source, d’autre part (e.g. NATO AJP-2.1, 2016). Au cours de cette évaluation, il leur est notamment demandé de bien distinguer les faits objectifs des interprétations subjectives qu’ils en font (NATO STANAG-2511, 2003). Cela étant, divers résultats expérimentaux montrent que les officiers échouent à respecter cette recommandation de nature méthodologique (e.g. Baker et al., 1968; Kelly & Peterson, 1971; Johnson, 1973). Une hypothèse assez intuitive est que l'échelle existante, évaluative par nature, ne leur permet pas d'adopter une perspective plus objective, disons descriptive, sur l'information qu’ils reçoivent. Le but de cet article est de faciliter la distinction entre faits et interprétations lors de l’évaluation du renseignement. En isolant les dimensions descriptives qui sous-tendent l'échelle existante, puis en les groupant en fonction de leur directionalité (e.g. Teigen & Brun, 1995; Mandel et al., 2022), nous proposons une taxonomie de l’information pour catégoriser les messages de renseignement plus objectivement. Cette taxonomie est fine: elle intègre les messages visant à informer ou à tromper de façon classique (e.g. mésinformation, mensonge), mais aussi les messages relevant de cas plus limites, comme l’omission et les demi-vérités, qui sont fondés sur l’usage du vague linguistique (à partir de Égré & Icard, 2018; Icard et al., 2022). En donnant une vision plus descriptive de la procédure d’évaluation actuelle, notre but est d’apporter des outils de catégorisation permettant aux officers d’évaluer plus finement l’information.