Marx et Enaction

Loader Paul
Langue de rédaction : Anglais
DOI: 10.3406/intel.2015.1024
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Dans la mesure où il y a lieu de faire un lien entre la “philosophie allemande” et l’énaction, on a généralement considéré qu’il se focalise sur Heidegger et peut-être, plus récemment, sur Wittgenstein. Cependant, on peut faire valoir que l’œuvre de Marx, et à sa suite des penseurs marxiens plus récents, est tout aussi pertinente. Les parallèles entre la pensée marxienne et l’énaction sont souvent frappants. De plus, dans certains cas ces affinités ne sont pas de simples coïncidences, mais sont le résultat d’influences documentées par l’intermédiaire d’auteurs marxistes tels que Merleau-Ponty, Vygotsky, Levins & Lewontin.
De façon quelque peu schématique, on peut regrouper les domaines de congruence entre les pensées marxiennes et l’énaction sous trois grands thèmes  l’Unification du sujet, la Praxis, et la Dialectique.

La première de ces catégories concerne les aspects de la pensée marxienne qui sont explicitement focalisés sur l’unification du sujet  l’unification avec la nature externe, avec sa propre activité et avec les autres sujets. « L’homme intégral » marxien est un agent ayant une inscription corporelle, enraciné dans un environnement physique et social. Il s’accomplit/se crée au moyen de son activité pratique, un processus qui est le plus souvent caractérisé en termes d’interaction réciproque entre l’agent et son environnement, mais qui est parfois aussi caractérisé en termes « d’extension », où la nature devient « le corps inorganique de l’homme ». La fragmentation (notionnelle) de l’agent provient de l’imposition de certaines conditions de la production. En particulier, la division du travail mental/manuel donne lieu à un sujet désuni, où la pensée et l’activité sont considérées isolément.

La deuxième de ces catégories concerne plusieurs thèses marxiennes relatives la relation entre des idées et le monde, et entre la pensée et l’action. Le matérialisme marxien enracine les idées dans l’être matériel actif. En ce qui concerne la question de leur genèse, ceci signifie que les idées sont « le résultat sublimé des processus matériaux vivants [des êtres humains]. » Considéré en relation avec les questions d’ordre temporel, ceci signifie que la pensée marxienne rejette la formulation de Heine selon laquelle « la pensée précède l’action comme l’éclair précède le tonnerre » ; au lieu de quoi la pensée marxienne propose le concept de ‘praxis’ comme « synthèse de la pensée et de l’action ».

On notera également ici un certain nombre d’autres thèses marxiennes qui font partie de la ‘philosophie de la pratique’ selon Marx. Plus précisément : le monde ne peut être compris indépendamment de notre engagement actif en lui ; le fait d’avoir une explication adéquate de notre relation active avec le monde facilite la dissolution de problèmes philosophiques ; et, dans certains cas, des problèmes philosophiques peuvent être résolus par le moyen de l’activité pratique elle-même.

La troisième catégorie concerne les éléments ‘dialectiques ‘ de la pensée marxienne. Ces éléments possèdent leur origine dans la philosophie hégélienne, et se voient particulièrement explicités dans l’œuvre d’Engels. Outre un intérêt global pour dépasser les dichotomies en faveur d’une « unité des opposés », l’approche dialectique partage avec l’énaction une vision holistique des phénomènes étudiés qui souligne l’importance des relations causales réciproques et du changement dynamique au cours du temps.



Pour citer cet article :

Loader Paul (2015/1). Marx et Enaction. In Stewart John (Eds), Cognition et Société : l’inscription sociale de la cognition, Intellectica, 63, (pp.65-92), DOI: 10.3406/intel.2015.1024.