La physique continue
DOI: 10.3406/intel.2009.1740
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La physique newtonienne introduit un espace et un temps continus, mais considère la matière, décrite en termes corpusculaires, comme discontinue. Les théories de la relativité représentent aussi l’espace-temps comme un continuum. La nature de la lumière a été source de discussions depuis avant le XVIIème siècle : estelle constituée de particules, comme le suggérait Newton, ou bien d’ondes ? Cette dernière conception impliquait cependant l’existence d’un éther électromagnétique, dont les propriétés restaient indéterminées. Telle était la version électromagnétique du débat continu / discontinu. Au début du XIXème siècle, l’interférométrie suggéra de considérer la lumière comme une onde, plus précisément une onde électromagnétique : une victoire de la vision continue. Mais au début du XIXème siècle, la révolution quantique introduisit une vision entièrement nouvelle, qui rendit caduque les descriptions de la lumière en termes d’ondes [classiques] ou de particules. Il fallait la décrire par de nouvelles entités, fonctions d’onde ou champs quantiques. Il apparut ensuite que l’on devait décrire la matière de la même manière. Dans un sens, le débat continu / discontinu était résolu : les deux aspects étaient présents dans la matière ou dans le rayonnement, tous deux quantifiés. Du point de vue mathématique, la situation peut être décrite géométriquement, sous forme de la géométrie non commutative, ou bien algébriquement, par l’emploi d’opérateurs. L’histoire ne se termine pas là. Différents arguments suggèrent que notre description actuelle de la nature n’est pas satisfaisante, et que nous devons chercher une théorie physique plus complète et plus unifiée. La plupart des physiciens estiment qu’elle doit impliquer une quantification de la gravitation, sous une forme ou sous une autre. Celle-ci pourrait se présenter comme une quantification de la géométrie elle-même. Ceci motive une grande part de la recherche actuelle en physique fondamentale, qui considère différentes approches : géométrie quantique, gravité en boucles, réseaux de spin ou réseaux causaux, triangulation dynamiques … Chacune introduit de nouvelles conceptions de l’espace et du temps, ou ces entités géométriques apparaissent quantifiées ; comme la matière dans la théorie quantique originale, elles incorporent des caractéristiques continues et discontinues. Nous ne savons pas si l’une de ces théories se révélera adéquate. Les travaux continuent.
Pour citer cet article :
Lachièze-Rey Marc (2009/1). La physique continue. In De Glas Michel (Eds), Le continu mathématique. Nouvelles conceptions, nouveaux enjeux, Intellectica, 51, (pp.259-271), DOI: 10.3406/intel.2009.1740.